Le tous capables, un brin d’histoire + L’histoire de Mourad

1 – Hypothèses sur l’origine de l’expression vue du côté de l’Éducation Nouvelle
2 – Le « tous capable » vu du côté des philosophes
3 – Du dire au faire : retour sur un cas concret

Je me propose dans un premier temps de revenir sur l’expression « tous capables » à partir d’un livre récent[1] où nous avons tenté d’en expliquer collectivement l’origine, d’entrer dans les débats qu’elle a suscité, d’en dire son développement en Europe et dans plusieurs lieux du monde. Il souligne que « Tous capables » est tout sauf une évidence : l’expression n’est pas plus vœux pieux qu’un fanion qu’on agite en début de formation en l’oubliant ensuite peut-être.

Considérons l’apprenant : « Tous capables » renvoie chaque apprenant à son histoire dans le savoir tout en refusant de la considérer de manière fataliste et déterministe : « ce serait son sort à lui, il n’y peut rien, c’est la nature qui l’a voulu ». À l’affirmation que certains seraient-ils « tous capables » et d’autres pas, ma réponse est : non !

 

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JDA MN 232 01:05[1]

 

 

« Le sosie » Ateliers d’analyse du travail

Du mythe de Sosie aux origines de la démarche « Sosie »

Texte 1

Intro – Sylvie Chevillard, Odette et Michel Neumayer

On connaît les amours insatiables de Jupiter, les mille et une péripéties qui ont inspiré la verve de Plaute et celle de Molière ! Bien qu’on le cite souvent, on connaît moins les détails de l’histoire de Sosie, un être au destin curieux que Jupiter instrumentalisa pour arriver à ses fins !

L’histoire de ce personnage nous replonge dans un fameux quiproquo conjugal dans lequel plusieurs personnages se substituent les uns aux autres : Jupiter, roi des Dieux se substitue au roi Amphitryon ; Mercure, messager de Jupiter à Sosie, valet d’Amphitryon ! La présence en un même lieu de personnages identiques entraîne une série de confusions et fait rire. Bien sûr, la possibilité de prendre l’apparence d’un autre est un ressort comique qui, depuis le récit mythologique jusqu’au cinéma burlesque, amuse petits et grands ! En revanche, elle pose question dès que l’on re- tourne chez les mortels !

Le même et l’autre, le double, le dédoublement, le trompe-l’œil sont des figures importantes de notre imaginaire occidental. Nous traitons par ce biais des questions qui renvoient à notre identité et notre singularité : peut-on reproduire un être humain ? Pourrait-on en « cloner » la complexité au point de tromper tout le monde ? L’apparence suffit-elle à faire l’homme et l’habit, le moine ? Quelle est alors sa « vé- rité » ?

En formation aussi cette question se pose. De Frankenstein1 à Gepetto et à Sosie, ce passage par le mythe ou la parabole, permet d’aborder la relation du maître à l’é- lève, de traiter de questions telles que la reproduction ou la reproductibilité des êtres humains par l’éducation, l’identité et la singularité, le rapport au modèle. Dans les 30 dernières années, le personnage de Sosie a inspiré différentes dé- marches ou ateliers de formation au GFEN et ailleurs. Faire retour sur un dispositif de formation qui connut son heure de gloire, évoquer cette démarche d’un point de vue historique et technique, en donner quelques amonts, en décrire les variantes, tout cela devrait nous permettre de mettre en évidence les dimensions philosophique, épistémologique, politique qui sont au cœur du concept de travail. Ainsi, dans ce numéro de Dialogue, serait à nouveau posée la question de « l’homme pro- ducteur2 », interpellant les déclarations politiciennes actuelles du « travailler plus, pour gagner plus », mais pour gagner quoi ?

Lire le texte : SOSIE_chevillard_neumayer


Textes 2

Le sosie : – outil d’analyse et de théorisation des pratiques.

Plusieurs « démarches » SOSIE  et articles coordonnés par Jean-Louis Cordonnier Perpignan (GFEN Perpignan)

Liure les textes : sosie_dialogue 

Du silence en pédagogie

Ce texte est paru dans la revue Dialogue du GFEN en 2022.

Du silence en pédagogie…

Michel NEUMAYER, gfenprovence.fr et approches.fr

Le couple « question-réponse » en pédagogie

Au­ delà de la pensée des poètes, je voudrais re­ venir dans ce troisième numéro des « 100 ans d’Éducation Nouvelle » sur la notion de « question » en pédagogie et interroger sa place en Éducation Nouvelle, face aux défis d’un futur incertain.

Je veux briser le carcan du « questionner­ et­ donc répondre », ce binôme insécable auquel l’enfant et l’adulte, ces deux acteurs de la relation pédago­gique si souvent répondent, peut ­être trop sou­ vent sans les réinterroger. Les pédagogies dominantes sont encore souvent celles qui cherchent à colmater le vide relationnel, le suspens dans le langage que l’irruption d’une « question » peut susciter. Pourquoi ?

Quelle place laisser au doute chez l’apprenant ? Comment en tant que formateur suspendre en nous le désir de parole ? Comment entendre la puissance poétique des paradoxes ? Comment s’abstenir de tout ce qui fige la pensée ?

Si un paradoxe est cette « affirmation surprenante en son fond et/ou en sa forme, qui contredit les idées reçues, l’opinion courante, les préjugés » (CNRTL1), que faire quand bouche bée, qu’ils soient élèves ou adultes, les sujets investissent des propositions qui leur sont faites tantôt par le silence, tantôt par la dénégation, embarqués qu’ils sont dans la découverte d’une question d’histoire, d’un énoncé de mathématique, des ellipses dans la construction du roman, d’une photo qu’ils observent ?

Je réfléchis au temps laissé en pédagogie à l’en­ quête et à son murissement. Les textes de Dia­ logue en parlent. Je réfléchis aux espaces laissés au souffle en pédagogie, à la puissance des étonnements et à la sérendipité (« le don de faire, par hasard et sagacité, une découverte inattendue et fructueuse » – Wikipédia). Je veux attirer l’attention sur la place du corps dans le jeu pédagogique ordinaire, qui lui­ même parfois peut nous submerger.

L’Éducation nouvelle, chaque fois qu’elle s’empare de telles réflexions me semble constituer un aiguillon qui nous détourne des routines. Cela passe par sa capacité à les questionner, en faire des objets de recherche, nourrir des échanges et publi­cations.

Je me propose d’évoquer pour commencer deux récits de pratiques qui me permettront de croiser plusieurs questionnements : l’un psychanalytique autour de la « pulsion épistémologique », une notion issue des psychanalyses kleiniennes (Melanie Klein, W.Bion); l’autre liée à la sociologie et aux sciences de l’éducation autour de « ce que parler veut dire ». J’imagine des temps, des apprentis­ sages où nous résisterions aux impositions (pro­ grammes, instructions, normes) qui nous condamnent à la fuite en avant où le savoir ne se­ rait plus qu’une marchandise accumulée par cer­tains quand d’autres restent au bord du chemin. Volontairement disparates, ces exemples sont pour le premier une formation de bénévoles d’une « entraide scolaire » municipale, pour l’autre une in­ tervention en Lycée Professionnel autour des liens entre histoire et mémoire.

Lire le texte complet en pdf
« Du silence en pédagogie »

 

Éducation et culture de paix

(Cet article est paru dans la revue Dialogue (GFEN) en 2021.)

Culture de paix, écriture et Éducation nouvelle – « Naître après »

Michel NEUMAYER

J e voudrais ici faire l’éloge d’une pensée péda gogique qui sache ne pas faire fi des complémentarités entre « petite » et « grande » histoire. Je voudrais qu’elle nourrisse une conception de « l’engagement en pédagogie », notion importante dont nous avons tant besoin, que nous pensions aux appre­nant.e.s, aux formatrices et formateurs, aux ensei­gnant.e.s.
Ce texte débute par un bref exergue qui situe l’origine de ma réflexion. Il est suivi de rapides fragments bio­ graphiques. Ma thèse centrale en matière d’écriture et d’émancipation est ensuite explicitée et brièvement étayée par trois exemples d’ateliers d’écriture de « cul­ture de paix ».

L’exergue

Entendons la psychanalyste Anne­Lise Stern dans Le savoir déporté. « Naître, c’est naître après », dit­ elle. Cet « après » n’est pas seulement une affaire de chronologie et d’Histoire mais constitue paradoxa­lement un « jeté devant » tel que le proclament certains épistémologues récents. Ce « naître après » d’Anne ­Lise Stern pose certes la question centrale d’un don et d’une dette et aussi d’un engagement tourné vers l’avenir. Je défends l’idée que toute action pédagogique réincarnée, suppose que des lieux de co­élaboration soient mis en place dans le but de partager ce que produit ce gouffre qui, trop souvent dans l’Histoire, met en tension et confronte « l’avant et l’après ». Je me souviens d’Édouard Glissant : «Qu’est­ ce donc que le langage ? Ce cri que j’ai élu ? Non ! Pas seu­lement le cri, mais l’absence, qui au cri palpite ».

Que faisons ­nous en écriture comme dans la vie de ce défi que sont les récits de savoir dont nous héri­tons ? Quelles leçons tirons­ nous en pédagogie notamment des expériences singulières narrées dans nos familles, parmi nos proches, dans nos pays et auxquelles ils ont été exposés ? En quoi, en écrivant et en faisant écrire, confortons­ nous cette « résistance culturelle » qu’est la proclamation du droit au récit par tous et pour tous ?

Lire le texte en intégrale, ci-dessous…

« Naître après… »

Réver, agir ensemble,

Cet article est paru dans la revue suisse L’ÉDUCATEUR

Pratiques culturelles et Éducation Nouvelle

Rêver, agir, analyser

Une pédagogie d’Éducation Nouvelle est toujours, à sa manière, un patchwork.

Animé du désir d’évoquer ici une pratique culturelle liée à l’Éducation Nouvelle – l’invention et la pratique d’un atelier de création –, c’est un écheveau qu’il me faut déplier. C’est par entrées diverses et brefs fragments que j’aborderai le sujet, naviguant de l’intuition et du rêve vers le faire pour de bon et l’analyse réflexive sur cette pratique. Chaque aspect questionne les autres. En effet, mon sentiment est qu’une pédagogie d’Éducation Nouvelle est toujours à sa manière un patchwork, le travail d’un bricoleur dans l’esprit de Lévi-Strauss(1). Par sa complexité même, il donne un sens puissant au travail d’enseignement et de formation.

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Réver agir ensemble en éducation nouvelle

 

Apprentissage et plaisir- Pas qu’une question de « fun » mais surtout de plaisir au cœur de l’apprendre et du faire apprendre

Autour de quelques paradoxes et de leur possible dépassement

Un texte de Michel Neumayer, paru dans le
Site du Journal de alpha – Bruxelles

Lire l’article en intégral (PDF – 15 pages)
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Est-il possible en ce printemps 2020 d’écrire sur un sujet tel qu’« apprentissage et plaisir » comme si rien, à l’épreuve de la pandémie qui nous frappe, n’avait bousculé notre rapport aux autres, aux apprentissages, aux projets que nous avons pour nos vies, au plaisir donc, au bonheur peut-être.
Je me cantonnerai à quelques aspects parmi d’autres de cette question du plaisir qui, à mes yeux, est aussi celle de se saisir d’un objet de savoir et de l’emporter dans nos vies. Ce plaisir dans les apprentissages, nous l’avons, un jour ou l’autre, certainement connu nous- mêmes et cela peut même avoir orienté nos choix professionnels actuels. Si donc nous en parlons, c’est j’imagine de l’intérieur, en connaissance de cause.

Sommaire de l’article

  • Des postulats et un peu de théorie
  • Un besoin primordial pour tout apprenant : pouvoir travailler « hors menaces»
  • La question de l’évaluation
  • L’éthique du débat
  • Quelques outils indispensables pour nourrir l’intérêt : coopérer, chercher, surprendre
  • Les ressorts du plaisir
  • Un immense territoire de recherche

 

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Extraits

Des postulats et un peu de théorie

Si j’entre dans la question du plaisir d’apprendre par la formulation d’hypothèses et non par une série d’affirmations, c’est qu’en pédagogie, nous avons intérêt à quitter le monde des certitudes. Toute hypothèse se discute. Elle appelle la possibilité d’une recherche, d’expérimentations, de vérifications. Elle fait des professionnels que nous sommes des chercheurs.

Mes postulats :

  • Le plaisir à apprendre ne jaillit pas de lui-même. Il se construit. Il se provoque éventuellement.
  • Apprendre et y trouver du plaisir est complexe et souvent paradoxal : tout apprentissage nouveau peut certes être une joie, mais il va souvent de pair avec des ruptures et de multiples transformations identitaires qui peuvent mettre à mal les sujets.
  • Apprendre et y trouver du plaisir, c’est souvent d’une certaine manière quitter son rang et aller au-devant d’une vie sociale nouvelle qui nous confronte à d’autres milieux. Ces possibles ruptures sont de natures différentes : rupture plus ou moins facile avec des croyances ou des jugements auxquels on tenait et qu’il va falloir réviser ; changement de place face à nos pairs, nos familles, nos groupes d’appartenance.
  •  Au cœur de cette crise, il importe en tant que formateurs de veiller à préserver la dimension du plaisir « malgré tout » et d’accompagner un processus qui n’est en rien linéaire. On passe par des hauts et des bas.

L’un des enjeux de toute éducation, de toute formation est certes d’acquérir des savoirs qui donnent des pouvoirs nouveaux sur soi et sur le monde, mais n’est-il pas tout autant utile de créer les conditions pour que chacun·e y prenne plaisir? Ceci me conduit à trois réflexions théoriques: elles concernent le besoin de sécurité, la question de l’évaluation, la notion de débat. Elles devraient nous aider à construire l’action concrète : penser « développement »plutôt que «contrainte»; «désir» plutôt que «plaisir»; «transformation» plutôt que «formation». C’est là la conséquence d’une révolution mentale qui, en pédagogie, en éducation et en psychologie cognitive, s’est largement répandue au 20e siècle. En un siècle, nous sommes ainsi passés, pour l’enfant comme pour l’adulte, des notions de contrainte et de coercition à celle de développement. Ce développement est une autre façon de penser les sociétés humaines.

Enfin, dans le monde des pédagogies critiques, le plaisir est recherché non comme une fin en soi mais comme le maillon d’une chaine. Cette chaine va de plaisir à énergie psychique et, au bout du compte, à désir et pulsion. Il s’agit de nourrir en chacun la disposition à apprendre (être disposé à/ consentir à) et à la cultiver tout au long de la vie. Certains psychanalystes de l’époque de Freud ont parlé à ce propos de «pulsion épistémophilique»2 chez le tout petit enfant. Dans son désir de savoir se croisent, selon eux, jouissance, sexualité («savoir d’où je viens») et frustration car la question est «sans fond». Ils abordaient ainsi l’aspect pulsionnel qui est au cœur de l’entrée de l’enfant dans le savoir humain.

L’atelier surprise (animation à Marseille)

Il n’y a pas d’apprentissage sans la perspective d’un plaisir ! Pour cela, il faut des outils. En voici un :  plus inattendue est la question de la nécessaire surprise à ménager dans tout apprentissage! « Étonnez-moi, Benoît », c’est plus qu’une chanson! Les pratiques de création ont toute leur place ici.

Prenons l’exemple d’une animation de deux heures que j’ai menée dans un centre social marseillais à l’occasion d’une fête de quartier :

• Le public: 15 mamans non européennes, peu entrainées en matière de lecture-écriture, vivant dans cette banlieue marseillaise et participant une fois par semaine à une « table de conversation ».
• L’intervenant: un-homme-d’âge-mûr-blanc-de-peau-de-type-intellectuel, a priori assez différent d’elles (moi !).

• Le  déroulé:

  1. 1  Chaque participante se présente brièvement.
  2. 2  J’affiche :«Nous sommes faits de la même étoffe que les rêves, la vie n’est qu’une ombre qui passe, c’est un récit plein de bruit et fureur, viens chère nuit au front noir. » (Blaise Cendrars).
    Étonnement ! Je propose que nous nous mettions en recherche de ce que peut signifier cette phrase.
  3. 3  Chacune découpe dans des magazines de quoi faire un collage de ses rêves, des plus simples aux plus « inaccessibles ».
  4. 4  Nous visionnons des extraits de Human de Yann Arthus-Bertrand. J’ai choisi des témoignages dans deux parties: « Mon plus grand bonheur » et « Ma plus grande tristesse. »
  5. 5  Les productions sont exposées et nous cherchons celles qui «se ressemblent beaucoup ».
  6. 6  Nous les collons bout à bout en veillant à varier les registres, puis les affichons. La fresque obtenue fait plusieurs mètres de long.
  7. 7  Nous revenons à la phrase initiale de Cendrars et, sur la base de ce que nous avons produit, nous discutons sur le sens qu’elle prend maintenant, en particulier le sens de la fin, cette « chère nuit au front noir ».

 

Poétique de la fabrication (en pensée avec Gianni Rodari)

Ce que j’apprends en fabricant des livres objets

Odette et Michel Neumayer
Récit d’un atelier conçu et animé en coopération avec Antoinette Battistelli, Céline Felder, Anne-Charlotte Liprandi du GFEN Provence.

La poésie une affaire de sens ? Non, le sens à lui tout seul ne fait pas poésie. Alors, la poésie une affaire de forme, d’emballage original pour une parole qui voudrait s’énoncer différemment ? Non plus, car la poésie ne serait alors que souci ornemental. A quoi reconnaît-on alors la poésie ? L’hypothèse retenue serait qu’elle est précisément une affaire de relation entre un sens et une forme.

Certes, dans ce qui suit, nous glisserons allègrement de « poésie » à « poétique ». Mais pas pour nous appuyer sur l’acception habituelle du terme « poétique » qui renvoie à cette « partie des sciences du langage mettant au jour le fonctionnement organique et formel des textes » (Todorov). Nous nous intéresserons à une autre signification plus inhabituelle, plus aléatoire mais si riche, dans laquelle est envisagée la dimension de la production de savoirs propre au texte poétique, un processus dont le point de départ est l’identification des liens qui unissent en un même objet des strates de natures diverses voire disparates. Forme et sens en interaction, impliqués l’un dans l’autre dans leur globalité et dans leurs détails.

L’atelier raconté ci-dessous n’a pas pour visée la production de textes poétiques mais veut illustrer en quoi, menée conjointement, l’élaboration d’une forme et d’un sens peut nous surprendre, nous ravir et finalement nous mettre dans un état que l’on pourrait qualifier « d’émotion créatrice ».

Cet atelier d’écriture et de fabrication de livres-objets pour enfants a une histoire : il prend place dans un cycle de réflexion autour du thème fédérateur « Porteurs d’espoirs, les livres2 » (Voir encadré n°1). Il fait écho et prolonge une animation menée à Aubagne par Dominique Piveteaud3 en novembre 2004 sur la question de l’apprentissage de la lecture par les albums. Il en reprend les idées de culture et « d’objet patrimonial ». Il répond à la volonté de faire accéder à la littérature tout citoyen, quel que soit son âge. Un accès actif à partir de pratiques culturelles réelles et variées. Il illustre une hypothèse déjà explorée, il y a quelques années, et à laquelle nous tenons : écrire pour aller lire ! Non pas « écrire pour lire » mais écrire, produire, fabriquer pour s’engager sur le chemin des textes. Vivre des pratiques culturelles qui transforment le rapport à l’écrit, étrangent le regard et n’enferment pas le livre dans le dos-carré-collé de format standard.

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Du mythe de Sosie aux origines de la démarche « Sosie »

(Cet article est paru dans la revue Dialogue du GFEN)
Vers le site du GFEN

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Du mythe de Sosie
aux origines de la démarche « Sosie »

Sylvie Chevillard,
Odette et Michel Neumayer

 

On connaît les amours insatiables de Jupiter, les mille et une péripéties qui ont inspiré la verve de Plaute et celle de Molière ! Bien qu’on le cite souvent, on connaît moins les détails de l’histoire de Sosie, un être au destin curieux que Jupiter instrumentalisa pour arriver à ses fins !

L’histoire de ce personnage nous replonge dans un fameux quiproquo conjugal dans lequel plusieurs personnages se substituent les uns aux autres : Jupiter, roi des Dieux se substitue au roi Amphitryon ; Mercure, messager de Jupiter à Sosie, valet d’Amphitryon ! La présence en un même lieu de personnages identiques entraîne une série de confusions et fait rire. Bien sûr, la possibilité de prendre l’apparence d’un autre est un ressort comique qui, depuis le récit mythologique jusqu’au cinéma burlesque, amuse petits et grands !  En revanche, elle pose question dès que l’on retourne chez les mortels !

Le même et l’autre, le double, le dédoublement, le trompe-l’oeil sont des figures importantes de notre imaginaire occidental. Nous traitons par ce biais des questions qui renvoient à notre identité et notre singularité : peut-on reproduire un être humain ? Pourrait-on en « cloner » la complexité au point de tromper tout le monde ? L’apparence suffit-elle à faire l’homme et l’habit, le moine ? Quelle est alors sa « vérité »  ?

En formation aussi cette question se pose. De Frankenstein[1] à Gepetto et à Sosie, ce passage par le mythe ou la parabole, permet d’aborder la relation du maître à l’élève, de traiter de questions telles que la reproduction ou la reproductibilité des êtres humains par l’éducation, l’identité et la singularité, le rapport au modèle.

Dans les 30 dernières années, le personnage de Sosie a inspiré différentes démarches ou ateliers de formation au GFEN et ailleurs. Faire retour sur un dispositif de formation qui connut son heure de gloire, évoquer cette démarche d’un point de vue historique et technique, en donner quelques amonts, en décrire les variantes, tout cela devrait nous permettre de mettre en évidence les dimensions philosophique, épistémologique, politique qui sont au cœur du concept de travail. Ainsi, dans ce numéro de Dialogue,  serait à nouveau posée la question de « l’homme producteur[2]« , interpellant les déclarations politiciennes actuelles du « travailler plus, pour gagner plus », mais pour gagner quoi ?

 

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[1] Philippe Meirieu : Frankenstein pédagogue, ESF, Collection Pratiques et enjeux pédagogiques. Paris, 1996.

[2] L’homme producteur, Autour des mutations du travail et des savoirs, ouvrage collectif sous la responsabilité d’Yves Schwartz et Daniel Faïta, Messidor, Editions sociales, Paris 1985.

Écriture et mise en patrimoine

Prendre la main sur l’évaluation »

(Cet article est paru dans la revue Dialogue N°176 – Mars 2020)

Mon intention dans cet article n’est pas d’entrer dans le détail des ateliers d’évaluation que j’ai menés. Ils sont évoqués au fur et à mesure. Mon souhait est, en matière d’évaluation, de développer un argumentaire plus anthropologique. J’entends par là que je me situe au carrefour de questions liées au regard, à l’écriture, la notion de trace, à la santé au travail, aux notions d’intelligence collective, de collectifs de travail et d’action militante. Je veux relier la question de l’évaluation à un ensemble de savoirs, de pratiques, de valeurs que l’Éducation nouvelle porte plus que jamais aujourd’hui et qu’elle a élaboré au fil de son histoire, notamment à partir des années 1980.

Si les pratiques d’évaluation scolaires de leur côté, dans leur version moderne et omniprésente du pilotage par les résultats, par les tests, les grilles, les comparaisons entre les écoles, les collèges des quartiers, les organismes de formation publics et privés, les villes, les pays sont un aspect central d’une mondialisation capitaliste qui réifie les humains, les outils pour la combattre existent ! Depuis bien plus longtemps, je crois. Certes, ils sont récusés au nom d’une supposée efficacité calculatrice. Ils sont travestis, niés, marginalisés au choix. Ils sont bien peu transmis dans les lieux de formation des nouveaux professionnels. Pourtant, ils existent !

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(Lien vers le site du GFEN et de la revue Dialogue-

 

 

Cosmogonies ou ré-écrire des récits des origines

Atelier « Cosmogonies » ou écrits des commencements

Odette et Michel Neumayer (Analystes du travail et concepteurs d’ateliers d’écriture

 

En s’autorisant à écrire des fragments, on s’autorise à du chaos.
F. Nietzsche.

 

Sciences, mythes et action

Les mondes ne se sont pas faits en une fois et la première tentative n’a pas toujours été la bonne. Même les dieux se répètent et sont soumis au hasard, aux changements de route, aux bifurcations. Telle est l’une des leçons que le lecteur curieux d’histoire et de mythe peut tirer de la fréquentation des récits fondateurs des grandes religions aussi bien asiatiques que moyen-orientales ou occidentales.

Cette découverte d’une création de monde qui serait beaucoup plus chaotique, imprévisible et incertain nous conduit à faire redécouvrir l’atelier qui suit. Il consiste à faire un parallèle entre le moment de la rentrée des classes – une renaissance toujours identique et toujours différente – et ce que disent d’une part les grandes cosmogonies, de l’autre les textes scientifiques contemporains de la naissance du monde. Il pourrait donner à ce moment inaugural de la vie des enseignants et des élèves une coloration humoristique, imaginaire, poétique qui l’affranchirait pour un temps des pesanteurs d’un moment toujours ardu.

Animé en début d’année scolaire avec des enseignants ou des élèves, cet atelier détour par des temps immémoriaux, par l’écriture et la création est certainement de nature à modifier la perception d’un moment qui, au plan professionnel, est le plus souvent abordé sous l’angle de l’organisation de tâches, ou d’un projet à faire naître avec d’autres, mais rarement avec les enseignements iconoclastes que nous ont légués nos très lointains ancêtres…

Ici, les commencements sont envisagés sous la loi du jeu, du hasard et de la dialectique entre ordre et désordre. Nous voici invités à concevoir les débuts de toute chose comme bien plus aléatoires que nous ne le pensions, mais aussi pleins de liberté et riches des multiples chances qui s’offrent à qui sait les saisir… Cela mettra certainement à mal notre pensée souvent rationnelle et mécaniste (telle cause, tel effet) !

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Lire et télécharger Cosmogonies2004

Merci de respecter le (c) et de citer vos sources soit oralement soit par écrit : Site Michel Neumayer – lamue.org – Éducation nouvelle France (GFEN)