Poétique de la fabrication (en pensée avec Gianni Rodari)

Ce que j’apprends en fabricant des livres objets

Odette et Michel Neumayer
Récit d’un atelier conçu et animé en coopération avec Antoinette Battistelli, Céline Felder, Anne-Charlotte Liprandi du GFEN Provence.

La poésie une affaire de sens ? Non, le sens à lui tout seul ne fait pas poésie. Alors, la poésie une affaire de forme, d’emballage original pour une parole qui voudrait s’énoncer différemment ? Non plus, car la poésie ne serait alors que souci ornemental. A quoi reconnaît-on alors la poésie ? L’hypothèse retenue serait qu’elle est précisément une affaire de relation entre un sens et une forme.

Certes, dans ce qui suit, nous glisserons allègrement de « poésie » à « poétique ». Mais pas pour nous appuyer sur l’acception habituelle du terme « poétique » qui renvoie à cette « partie des sciences du langage mettant au jour le fonctionnement organique et formel des textes » (Todorov). Nous nous intéresserons à une autre signification plus inhabituelle, plus aléatoire mais si riche, dans laquelle est envisagée la dimension de la production de savoirs propre au texte poétique, un processus dont le point de départ est l’identification des liens qui unissent en un même objet des strates de natures diverses voire disparates. Forme et sens en interaction, impliqués l’un dans l’autre dans leur globalité et dans leurs détails.

L’atelier raconté ci-dessous n’a pas pour visée la production de textes poétiques mais veut illustrer en quoi, menée conjointement, l’élaboration d’une forme et d’un sens peut nous surprendre, nous ravir et finalement nous mettre dans un état que l’on pourrait qualifier « d’émotion créatrice ».

Cet atelier d’écriture et de fabrication de livres-objets pour enfants a une histoire : il prend place dans un cycle de réflexion autour du thème fédérateur « Porteurs d’espoirs, les livres2 » (Voir encadré n°1). Il fait écho et prolonge une animation menée à Aubagne par Dominique Piveteaud3 en novembre 2004 sur la question de l’apprentissage de la lecture par les albums. Il en reprend les idées de culture et « d’objet patrimonial ». Il répond à la volonté de faire accéder à la littérature tout citoyen, quel que soit son âge. Un accès actif à partir de pratiques culturelles réelles et variées. Il illustre une hypothèse déjà explorée, il y a quelques années, et à laquelle nous tenons : écrire pour aller lire ! Non pas « écrire pour lire » mais écrire, produire, fabriquer pour s’engager sur le chemin des textes. Vivre des pratiques culturelles qui transforment le rapport à l’écrit, étrangent le regard et n’enferment pas le livre dans le dos-carré-collé de format standard.

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