« Aux marches du palais : l’atelier et après, que serait une « publication équitable » ? »

Cet article a été proposé lors des 20 ans du DU "Animateur d'atelier d'écriture"
Il est repris de  www.duecriture.canalblog.com

La revue Filigranes est accessible en ligne ici

 « La question de la publication en recueils ou en livres de textes issus d’ateliers d’écriture est souvent traitée comme une affaire en marge, » avais-je écrit aux organisateurs du colloque pour les  20 ans du Diplôme Universitaire de formation à l’animation d’ateliers d’écriture. Je précisais que « dans mon intervention, je souhaitais la considérer plutôt aux marches du palais, de l’atelier, dans son prolongement ».

Je voudrais ici témoigner d’une expérience de publication en revue sur support papier de textes d’ateliers. En envisager l’intérêt mais réfléchir surtout à quelles conditions la publication peut aider une écriture naissante à grandir, « être équitable [2] ».

Pour un écrivant, la sortie de l’atelier est un risque. Quitter un lieu plutôt protégé pour pénétrer, souvent sur la pointe des pieds, dans ce qui tient du rêve autant que du coup de dé, interroge. L’auteur lui-même certes : quel est son but ? Mais plus encore l’amont et l’aval.

Vers l’amont, cette sortie pousse à questionner l’atelier lui-même dans son fonctionnement, ses principes, ses enjeux. Y écrit-on pour se faire plaisir ? Pour la mémoire ? Pour penser peut-être autrement ? Pour, un jour qui sait, « devenir auteur » ? (Je reprends ici quelques postures fréquentes sans préjuger de tout le reste).

Vers l’aval, elle sonde l’édition, son projet, son économie, ses zones de culture et d’inculture. Qu’est-ce au juste « qu’écrire en atelier»pour un éditeur « normal » ?Un amusement ? L’antichambre de la « vraie » écriture qui serait forcément solitaire ? Une mode universitaire venue des Amériques ? Une manière de traiter la question sociale ?

Pour œuvrer moi-même depuis quelques années à la charnière de ces deux lieux, tour à tour concepteur d’ateliers[3] et éditeur[4], j’aimerais revenir sur l’expérience acquise.

 

Naissance d’une revue 

Mots clefs
voir et être vu – théorie et pratique –  individuel et collectif – tous capables

Quand, à quatre, nous avons imaginé et créé Filigranes nous partions d’une idée simple : les ateliers doivent se donner à voir. Tant sous forme de productions que de réflexions. De théories que de pratiques. Que c’était là une forme mutante de la littérature contemporaine – la pratique concrète et sa glose – un mixte au cœur de la modernité, nourri de sciences du langage, de philosophie, d’esthétique mais aussi des témoignages de créateurs, poètes, plasticiens, gens de théâtre, artisans de la langue, qu’ils soient contemporains ou non.

Nous ne mesurions pas alors en quoi cette intuition allait métamorphoser notre rapport aux ateliers et aux écrivants ; nos pratiques de lecture et d’écriture ; notre conception de ce qu’est ou peut-être un collectif ; notre engagement dans la création. Nous savions la part qu’y prendraient les partis-pris de l’Éducation nouvelle (le « tous capables », « tous chercheurs ») mais nous étions bien d’accord pour puiser à d’autre sources aussi.

 

Autour de ce qui nous réunit

Mots clefs
opacité – le centre et la marge – force et vulnérabilité – réseau

Nous avons très vite traduit en actes notre projet et les marches de l’atelier en ont pris un air de liberté, un parfum de printemps avec la floraison d’amitiés nouvelles, d’aventures et de projets.

Nous étions seuls au début, mais les liens se sont tissés. Entre écrivants de nos ateliers et nous ; entre personnes interviewées dans la rubrique consacrée aux questions de création appelée Cursives et nous ; avec des écrivants d’autres ateliers qui à l’occasion nous soumettaient leurs textes.

Pas n’importe quels liens. Des liens centrés sur le travail des mots, interrogeant la relation entre sujets à travers la langue. De ce point de vue, les apports d’Édouard Glissant revendiquant le « droit à l’opacité » furent salutaires. Qu’imaginer de plus riche au cœur de toute négociation de sens, au centre même de l’acte de lecture et de publication que l’attention au mal-entendu, la remise en question des certitudes (vrai / faux, juste / pas juste), le refus du jugement couperet (bon / pas bon, dans le thème / hors sujet). Des liens appuyés sur l’éthique, le souci [5] de l’autre.

Si tout atelier (qu’il soit d’écriture ou non) se doit d’être « un espace hors menace », comme le dit le pédagogue Philippe Meirieu, il importe qu’au moment de la publication on continue de protéger les textes et leurs auteurs. Mais de quelle nature imaginer cette « protection » afin qu’elle ne soit pas une béquille ? Des liens enracinés dans l’idée que publier est un acte politique et l’exercice d’une liberté. En publiant, on développe l’espace des relations entre les hommes [6], on y affirme des valeurs et on tente de les dimensionner par des actes.

Une revue est un espace tout petit, rien de plus qu’un réseau de personnes parfois même local, mais toujours assez grand pour ouvrir de nouveaux horizons à la pensée humaine qui, elle, est sans bornes.

Une revue est une micro-société et à ce titre une construction de règles, une culture.

 

Pour un lien savant 

Mots clefs
auto-socio – débat – complexité

Il apparut que ces liens étaient producteurs de savoirs nouveaux chaque fois que ce que les textes et les personnes portaient rencontrait notre propre vision de l’écriture et nos projets.

Les liens tissés au sein d’une revue font d’elle un atelier, un laboratoire chaque fois que ce qui est dit, écrit, alimente le débat avec les autres. Chaque fois que l’idée d’un partage critique est acceptée et que le groupe a conscience de participer à une construction savante dans laquelle le singulier alimente le collectif et réciproquement. L’Éducation nouvelle désigne cela du beau terme barbare « d’auto-socio-construction » !

Mais rien ne s’improvise en la matière. Tout cela se travaille.

 

Rendre un texte lisible ? … ou ce qu’une revue peut apporter en la matière lisible /

Mots clefs
illisible – alternance de statut – transmettre – normes – résistance –

Filigranes fête en 2014 ses trente ans d’existence. Trente ans au service des « hommes et des femmes du commun à l’ouvrage ». Trente ans de partis pris qui se formulent peu à peu et finissent par faire théorie, règles et normes.

Ce furent trente ans d’engagement dans la création au cours desquels nous avons réfléchi aux conditions à réunir pour que les écrits d’ateliers deviennent lisibles au-delà du moment de leur production. De notre point de vue en effet et sauf exception, ils ne le sont pas, sauf à rester dans l’espace de l’atelier !

Trente ans à lutter avec tendresse et affection contre le « moment narcissique » (« Voyez, ceci est mon texte ! ») qui enferme l’écrivant dans une vision solipsiste de l’écriture. Il existe des outils pour en sortir : la réécriture, la relecture intertextuelle, la problématisation, l’alternance des statuts, être tour à tour auteur et coéditeur de textes d’autrui.

Trente ans à nous interroger de manière plus théorique sur l’humain face à son désir, à son besoin de trace. Formaliser l’expérience ne va pas de soi. Cette question est pourtant au cœur de toute écriture qui ne cherche pas à « exprimer » mais à transmettre.

Trente ans à nous méfier de la supposée « qualité » d’un texte. Question vaine, du moins dans les formes où elle est d’ordinaire posée, c’est-à-dire comme « allant de soi » quand il s’agit en réalité d’un débat de normes, d’un possible conflit idéologique, de références culturelles non-partagées, d’habitus. Question en revanche intéressante dès qu’elle renvoie aux choix et projets d’un sujet, à la notion de résistance, au désir de continuité ou au contraire de rupture avec ce qui structure le champ de l’écriture à tel ou tel moment de son histoire.

 

La lecture d’un texte d’atelier, un cas très particulier consigne : travail réel,

Mots clefs
inventivité, adéquation, contrôle, originalité, écart, prouesse, labeur, visible vs invisible

Au quotidien, chacun lit en fonction de son rapport à l’écriture dans lequel sont cristallisés un héritage, des temps de formation, des valeurs, des habitudes. Ce rapport évolue au cours de la vie. Chaque lecture réellement nouvelle le transforme.

Dans l’atelier d’écriture, au moment même où la lecture a lieu, celle-ci est pilotée en plus par d’autres éléments encore : l’existence d’un dispositif, les consignes, une possible scénographie. Dans ce moment très particulier, tout texte est a priori lisible d’abord comme réponse à ce qui l’a déclenché.

Les uns le liront ou l’entendront avec comme grille son adéquation à la proposition des animateurs/trices, surtout si cette proposition comporte des contraintes formelles. D’autres seront en plus à l’écoute de l’originalité de la mise en œuvre, à l’écart, à l’astuce, au débordement. D’autres encore, surtout si cela est explicitement travaillé dans l’atelier, voudrons imaginer ou reconstituer ce qu’en analyse du travail on appelle « écart entre prescrit et réel », c’est-à-dire les ressorts de l’inventivité [7] !

C’est cette dernière posture, réflexive, complexe – attentive non pas à la tâche mais à l’activité mentale – qui nous intéresse tout particulièrement. En son centre, un point riche mais aveugle, le dialogue invisible entre animateur et écrivants.

Ce qui disparaît lorsque se disperse la communauté des écrivants, c’est la possibilité de croiser nos pensées en regard de la consigne et la manière dont nous avons tenté d’y répondre. C’est de ne plus connaître le bonheur de découvrir la manière dont l’autre a mis en œuvre cette même et unique consigne. C’est la possibilité de s’enrichir de ces différences. C’est le retour parlé sur expérience faite dans un même lieu, avec et contre l’expérience des autres (et non pas avec ou contre les personnes). Bref, c’est la socialisation propre à l’atelier qui est perdue.

Mais quand le travail éditorial est ouvert, « équitable » comme nous disions en introduction, une autre socialisation devient possible en particulier quand les écrivants rejoignent la revue. Cela, parfois, arrive. Ils découvrent alors comment accompagner les autres, leurs pairs, sur le chemin de la reconnaissance du travail d’écriture en cours. Ils prennent conscience de la complexité d’une tâche qui consiste à faire exister, faire grandir l’écriture d’un autre, sans intrusion, sans béquilles.

 

Seul ou pas seul ? Cahier des charges pour un travail éditorial

 

Mots clefs 
qualité – fidélité à l’auteur – soutien au travail en cours – subjectivité des choix – séminaires –  intergénérationnel  

Même en groupe, chacun écrit seul. Chacun rencontre à sa manière le symbolique, le code, les normes antécédentes… tout cela enfoui dans la langue. Chacun est déstabilisé par ce qu’il découvre sous sa plume ou son clavier. « J’écris encore pour savoir ce que je pense », dit le poète Aragon, au soir de sa vie.

Un bon atelier est par conséquent celui où tout écrivant se sent accueilli de manière non-jugeante, non intrusive et accompagné pour cette traversée, cette découverte intime.

Un bon travail d’éditeur est celui qui permet que cette traversée se prolonge au-delà du moment privilégié de l’atelier et que chacun prenne conscience que son écriture est vivante car en métamorphose avec et contre les métamorphoses des autres écrivants et ou auteurs.

De ce fait, très vite, notre intuition a été que chaque numéro de la revue porterait en exergue non pas des noms propres mais un intitulé, un titre. Autour de ces titres, fruits au départ d’un bricolage et d’intuitions diverses est peu à peu née une conception du numéro comme d’un tissage : à chaque fois, nous y croiserions du « thématique » et du « réflexif ».

Morceaux de rêves pris dans un coin (1985) – Histoire de papiers (2010) – Les Yeux quand ils s’ouvrent (1989) – Tapis de la mémoire (2010)  – À coller sur le frigo et ailleurs (1999) – Un Jour, un mur (1992) – Du rouge dans le paysage (2004) – Si rien de radical n’advient (2012).

Notre intuition était aussi que notre marque de fabrique serait de donner à lire la trace d’une recherche collective autour d’un objet, autour d’une question posée à l’écriture et à la création. Cela nous préservant de deux écueils majeurs : celui de l’anthologie d’une part, celui de la starisation du « poète » d’autre part.

L’Ombilic du texte (1987) – Mots de passe (1988) – Au pied de la lettre (1995) – Les Ciseaux d’Anastasie » (1996) – Ce sont armes ridicules (2003)

Et aussi que chaque intitulé serait comme une situation-problème : ni florilège, ni tableau d’honneur, mais sorte de dossier poétique, invitation à penser ensemble.

Intime / extime (2007) – Écrire la nuit (1996) – Presque l’infini (1992) – S’entendre avec l’ange (1996) – Et pourtant, elle chante (2002) – Vagants extravagants (2013) – D’une forme, l’autre (2011) – Sciences et fiction (2008)

Enfin, que chaque numéro oblige le lecteur à inventer, dans la foulée, sa propre lecture.

L’écriture du lecteur (1986) –Nouvelles bouteilles à la mer (2012) – Promesses, prémices (2010) – Le Don du texte (2004)

Très concrètement cela signifie que sur notre site nous donnons des « pistes » pour les numéros à venir. Elles sont volontairement ouvertes, énigmatiques de préférence, à « investir de sens » comme le sont les consignes de nos ateliers.

Quand nous recevons des textes de manière anonyme, en paquets, en recueils déjà ficelés nous renvoyons leurs auteurs aux pistes et leur demandons de soumettre un ou deux textes au maximum pour tel ou tel numéro précis.

Les textes sont lus par le collectif de la revue (une quinzaine de personnes) qui les choisit en fonction du thème annoncé avec le souci de varier les genres, les approches, les postures d’écriture et en étant très attentifs à ce qui semble incongru, hors-norme, hors-cadre.

Nous privilégions les « premiers textes » mais avons aussi le souci de suivre nos auteurs et de publier par la suite un deuxième, voire un troisième texte. Il s’agit donc d’abord d’accueillir dans de bonnes conditions puis de veiller à ce que la personne ait envier d’entrer dans le projet de la revue et de corseter son projet personnel de création.

Nous ne pesons pas les textes de l’extérieur au trébuchet de « qualité ». Les notions de qualité, d’intérêt, de sens se construisent en chacun de nous au contact, dans le frottement avec les autres. Un texte est donc retenu à partir du moment où un membre du comité de lecture en défend la possible publication, est prêt à « le porter », dans le débat à son sujet [8] avec les autres.

Dans chaque numéro paraît un édito [9] qui en déplie la problématique et a surtout pour fonction d’illustrer en quoi l’écriture, pour nous, est un travail et non un don ou une divine surprise. Un projet accessible à tous lequel suppose des outils, des rencontres, du temps, un murissement. [10]

Dans ce souci de donner à voir un travail commun intervient la publication d’un entretien dans chaque numéro[11]. En contre-point des textes poétiques, s’y expriment des personnes engagées dans un travail de création autre (musique, arts plastiques, photos, poterie, mais aussi traduction, édition, etc.). On y prend la mesure de questions et préoccupations qui traversent le champ de la création dans son ensemble.

Enfin, nous tenons trois séminaires par an pour écrire, programmer la suite, confronter nos choix, affiner notre engagement en regard du monde.

 

Mots clefs
Enjeux : utopie – humanité – trace – rapport à l’œuvre – engagement – inscription dans le temps – rapport au monde  

Cette liste assez longue de routines et de choix, nous l’avons fabriquée petit à petit, en souplesse. Rien de tout cela n’était prémédité.

En manière de conclusion, j’aimerais reprendre l’expression « Faire de l’écriture un bien partagé », sous-titre d’un des livres que nous avons écrits, Odette Neumayer et moi.

Filigranes est plurielle. Elle croise les écritures, les styles, les genres, les âges, les expériences, les langues, une plus ou moins grande proximité avec les Belles Lettres, la culture écrite.

J’y ajoute aujourd’hui que produire une théorie-pratique de l’écriture, le faire dans le partage et l’accueil est aussi un espace à investir. Non pas abstraitement mais en regard toujours de pratiques de création effectives, à faire connaître et reconnaître. Pour pouvoir les partager elles aussi.

Le pédagogue brésilien Paulo Freire, infatigable accompagnateur des « opprimés de la terre », affirmait qu’éduquer est avant tout idéologique. Écrire ensemble est une manière particulièrement riche de nous éduquer, de le faire ensemble… « au contact du monde » ajoutait Paulo Freire.

Tel est l’horizon qui s’ouvre, non en marge mais aux marches de l’atelier.

 

MN.  (Octobre 2014)

 

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« Naissance d’un numéro »

Françoise Salamand-Parker, « Naissance d’un numéro »,
Filigranes, n° 64, Une Date, forcément, avril 2006.

Je suis un petit texte
Tout petit mais je tiens sur mes jambes
Je peux marcher
Je voudrais aller m’accrocher sur une page de Filigranes
Mais mon papa me dit que je ne suis pas prêt
Tous les jours il m’habille
Me déshabille
Me rhabille avec d’autres couleurs
Il me brosse les cheveux
Prêt pas prêt
Enfin ouah ! un beau jour
Il m’envoie
A Filigranes
Je saute dans la boîte aux lettres
J’attends le facteur
Qu’il me prenne et qu’il m’emmène
J’atterris sur une table
On me met dans un dossier bleu
Ouah !
On est vachement nombreux
Dans cette turne
Je me fais des tas de copains
Nous les textes on se comprend à demi-mot

Un jour quelqu’un me prend dans ses mains
Ouah !
Quelqu’un me lit
Je bombe le torse
Je fais le beau
Mon papa serait fier
L’aventure commence on dirait
Un regard me lit
Me pousse sur une table avec mes copains textes
On me prend on me pose
Tous ces yeux sur moi
Jamais
Dans mes rêves les plus fous…
Je n’aurais imaginé ça
On me met un numéro sur le dos
C’est une course de chevaux ?
Je demande aux copains
Non aujourd’hui ils te changent de pile
Il y a ceux qui connaissent ce processus
Parce qu’ils ont déjà été sur la table
Plusieurs fois
Il y en a qui sont en dixième semaine
Ouah ! super !
J’ai été choisi
On me ramène dans la maison des livres
Près de la cheminée
Dans un dossier bleu
Je ne sais pas trop ce qui va advenir de moi
On me déshabille encore
Je vais encore changer d’habit
Le papier recyclé que mon papa avait choisi
Je vais entrer en mémoire
Informatisé, les copains, qui l’eût cru ?
Moi qui ai été écrit avec un crayon de papier
Mon nouveau père s’énervait
Quand ma nouvelle mère lui expliquait
Comment changer mes chaussettes
Je devenais cybernétique les potes
Je suis ressorti tout neuf
Avec des blancs comme de longues inspirations
En haut et en bas
Ensuite j’ai repassé un examen
Mais cette fois-ci au milieu des bouteilles de vin
On m’a marié avec un texte que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam
Mais plutôt sympa
C’est vrai qu’on allait bien ensemble
Après que tous les mariages ont été faits
Et sanctifiés
Les gens autour de la table ont bu un dernier verre
Ca y est, le montage est fait (…)
C’est alors qu’on m’a emmené chez l’imprimeur
On m’a passé dans une nouvelle machine
Un peu comme à l’hôpital
De scanner en radio

—-

1] Plusieurs sites : www.gfenprovence.fr ; www.cultiverlapaix.org ; www.lamue.org

[2] J’importe ici, dans le monde de l’édition, un concept inattendu, issu de l’économie, dans lequel les notions de relation juste et sur le long terme, de respect des droits et des personnes, de transparence, de souci de la démocratie, de préservation des savoirs, etc., sont centrales.

[3] O. & M. Neumayer, Animer un atelier d’écriture – Faire de l’écriture un bien partagé, ESF, Paris, 2003.

[4] Filigranes, Revue d’écriture(s). www.ecriture-partagee.com, créée en 1984 par André Bellatorre, André Cas, Odette et Michel Neumayer, est née dans le sillage des ateliers de création du GFEN Provence.

[5] Je lis aujourd’hui les textes de Sandra Laugier. Dans Tous vulnérables – Le care, les animaux et l’environnement, Payot, Coll. « Petite bibliothèque », Paris, 2012) on lit ceci : « l’éthique du care – apporter une réponse concrète aux besoins des autres – a introduit de nouveaux enjeux dans le politique et la place de la vulnérabilité au cœur de la morale. Elle engage aussi de profondes modifications dans les domaines aujourd’hui cruciaux […] ». Et si tout cela se jouait justement et prioritairement dans la langue  et le rapport à la langue ?

[6] Définition que Hannah Arendt donne du « politique ».

[7] Le travail réel étant tout ce qu’un sujet mobilise en lui, tout ce qu’il est, met en œuvre pour réussir une tâche et qui n’est jamais dit tel quel dans l’organisation prescrite du travail.

[8] Une seule limite : que le texte ne porte pas atteinte aux droits humains. Mais c’est là une autre question, celle des valeurs et du rôle de la création en la matière.

[9] L’ensemble des éditos (1984-2012) est en lecture sur http://www.ecriture-partagee.com/09_archives-en-consultation/archives-accueil.html

[10] Une posture pourtant assumée par bien des animateurs mais qu’aucun recueil de textes d’ateliers n’explicite vraiment, souvent par timidité, parfois par excès de modestie, mais aussi ici et là par ignorance des questions théoriques ou refus de s’engager sur un terrain jugé trop politique.

[11] On les retrouve sur http://www.ecriture-partagee.com/02_Cursives/derniers_cursives.htm

 

Livres d’Odette et Michel Neumayer

Ces livres peuvent être commandés ici ou chez l’éditeur.

 

Créer en éducation nouvelle –Savoirs, imaginaires, liens au coeur des ateliers de lecture et d’écriture

Michel Neumayer, Marianne Fontaine, Pascale Lassablière, Natalie Rasson

 

Sommaire du livre
Conclusion
Éditions Chronique sociale, Lyon (commander)

 

 

« 15 ateliers pour une Culture de paix »
Odette et Michel Neumayer, préface Etiennette Vellas.
Chronique sociale, décembre 2010 – 240 p.

« La paix est entre nos mains » ! Pourtant, le monde est violent et inégalitaire. Les guerres sont encore et toujours actuelles. La Culture de paix, concept développé par l’UNESCO, est une réponse à cette négativité contemporaine. Faire naître l’espoir en chacun, enfant, adulte, parent, éducateur, enseignants, citoyen, susciter le désir d’entreprendre pour que vivre ensemble sur une même terre soit possible, tel est l’enjeu des pratiques (ateliers d’écriture, réflexions, ateliers de construction de savoirs) décrites dans cet ouvrage.

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Relever les défis de l’Éducation Nouvelle
45 parcours d’avenir »
Odette et Michel Neumayer, Etiennette Vellas.
Préface de Philippe Méirieu
.
Éditions Chronique Sociale, 272 pages, 16 € 90
Juin 2009
ISBN
978 2 85008 777 6

Les grands apports pédagogiques du 20e siècle sont-ils pertinents face aux défis liés à la nécessaire évolution des systèmes éducatifs et de formation, aux mutations dans le monde du savoir et de la création, aux changements actuels dans la vie sociale et citoyenne ? La réponse donnée dans ce livre est résolument optimiste !

45 témoins démontrent, à travers leurs parcours, qu’une action émancipatrice est possible. Des défis semblent parfois impossibles à relever, pourtant ils le sont. Simplement parce que des hommes et des femmes se réunissent, s’engagent, prennent l’éducation au sérieux, en tous lieux. « Vraiment au sérieux », écrit Philippe Meirieu dans la préface.

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« Pratiquer le dialogue arts plastiques, écriture
Quinze ateliers pour l’Éducation Nouvelle »
Odette et Michel Neumayer en coopération avec Antoinette Battistelli, Marc Lasserre, Christiane Rambaud. Préface de Joëlle Gonthier
Dans cet ouvrage écriture et arts plastiques se mêlent, s’interpellent, se complètent. Les auteurs y décrivent une quinzaine ateliers de création croisés, insistant non seulement sur le détail des déroulements mais encore sur les partis pris philosophiques et pédagogiques. Ils montrent comment, au carrefour de deux domaines de création trop souvent abordés de manière séparée, des savoirs et des pouvoirs nouveaux se construisent, facteurs d’émancipation.
Éditions Chronique Sociale. Paru en juin 2005.
256 pages. 18 € 70.

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« Animer un atelier d’écriture – Faire de l’écriture un bien partagé« 
Odette et Michel Neumayer. Préface de Michèle Monte.
Il en va de l’atelier d’écriture comme de toute autre œuvre, qu’elle soit écrite, peinte, composée. On peut l’admirer ou la rejeter, la juger ou la commenter, mais on ne la comprend véritablement qu’à partir des incursions que l’on fait dans ce qui en constitue la partie invisible, à savoir le travail de création, doublé du travail d’invention et animation.
Editions E.S.F., Paris 2003, 220 pages
Actuellement disponible en librairie, 2ème édition.

La présentation de l’ouvrage (cliquez ici…)
Deux recensions
(cliquer ici)

« 20 ans d’ateliers d’écriture »,
Article paru dans la revue Pratiques, Metz
La bataille du « Tous capables d’écrire! », engagée il y a deux décennies par les militants d’Éducation Nouvelle, est toujours actuelle, même si un certain engouement pour les ateliers d’écriture dans la France d’aujourd’hui pourrait laisser croire que ceux-ci, devenus pratique courante et reconnue, ont cessé d’être un enjeu. Le succès de ce qui s’apparente parfois à des « jeux d’écriture » n’occulte-t-il pas la question des enjeux de l’écriture? La diversité et la diversification des lieux et des techniques d’animation, jointes ici et là à une certaine ignorance de l’histoire des ateliers d’écriture n’entravent-elles pas une approche critique en gommant la complexité des engagements? Bref, la multiplication des ateliers d’écriture ne signe-t-elle pas une certaine crise de l’écriture en atelier?

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« Comme un autre dans la ville »,

Un projet d’écriture collectif mené à Manosque (04) en 2002 à l’initiative de la BHM (Bibliothèque Hors les Murs).

Le 29 septembre 2002 a été présenté à Manosque le livre « Comme un autre dans la ville », un ouvrage produit de septembre 2001 à juin 2002 à l’initiative de la « Bibliothèque Hors les Murs » Service culturel de la Mairie de Manosque 04100 MANOSQUE (France).
Cet ouvrage est le fruit d’un vaste atelier d’écriture mené dans huit structures différentes (Collège, Centre de Loisirs, Organisme de formation, Lieu d’accueil pour adultes, Structures associatives, Local municipal pour les jeunes, Lycée professionnel, etc.)
Plus d’une centaine de personnes ont participé à ce projet, dont le volet formation a été porté par Odette et Michel Neumayer. « Le livre du livre » présente la démarche de formation et de réflexion
mise en place dans le cadre du groupe de pilotage du projet.

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  Écriture solitaire ? Non, partagée !

Odette et Michel Neumayer
GFEN Provence

 

L’écriture serait-elle par nature un fait solitaire qui ne se partage pas ? Nous avons fini par admettre sans plus nous questionner la vision romantique de l’écriture, avec l’image de l’écrivain retiré dans son antre, tout entier tourné vers lui-même et son œuvre.

Certes, « Faire de l’écriture un bien partagé », est une expression[1] forte, reprise ici et là, en France et ailleurs. Elle a l’air d’aller de soi, mais elle demande à être travaillée. Nous désirons montrer qu’elle peut se vivre au cours de toutes sortes de situations. À partir de quatre exemples, nous tenterons de mettre en lumière ce qu’elle signifie pour nous.

Écrire à deux ? Le débat de normes

Nous signons souvent nos textes à quatre mains. Dans ce cas, partager l’écriture signifie entrer dans une coopération où le maître mot est la confiance. Pas de doute, l’autre signataire sait (peut) écrire et le texte sera assumé à deux.

Ce principe étant posé, il y a échange d’idées, interviewes, à la suite de quoi l’un produit un début de texte, que l’autre lit, relance, reprend. De nouvelles idées germent. Les formulations sont rediscutées. Les rôles sont alternés. Les brouillons se succèdent à la main, sur ordinateur. Ils sont la matière vive sur laquelle s’opère le travail de réécriture et de co-élaboration.

Ce qui se passe est de l’ordre de l’intime. Certes le plaisir un peu jaloux de travailler à deux est là, il ne va pas de soi d’en dévoiler les arcanes, car l’affaire se joue dans les détails. Les choix sont presque indicibles, à la limite de l’insu. Pourquoi est-on soudain convaincu que c’est à tel endroit qu’il faut retravailler ? Quelle petite voix nous dit que tel passage est au point, tel autre encore non-fini ? Allez savoir !

On peut pointer deux phases. L’expansion, mais le texte est encore trop elliptique et désordonné ; la problématique demande à être dépliée. La réduction, on traque les redites, on ramasse les formules, on déplace des paragraphes, on reconstruit le plan à la recherche du plus accessible, du plus juste. C’est aussi le moment des vérifications orthographiques et grammaticales. Les citations sont-elles exactes ? Leur origine a-t-elle été contrôlée ? Le B-A-BA en somme !

En arrière plan, il y a toujours ce que les analystes du travail appellent un « débat de normes ». Débat souvent invisible dans lequel les représentations peuvent amener la controverse. A-t-on la même littérature de référence ? Reconnaît-on la pertinence du lexique utilisé par l’autre ? Où met-on le rythme, la respiration ? Quel est le statut de l’exemple ? Et le rapport au lecteur (le convaincre, le séduire, l’intriguer). Autant d’éléments par lesquels tout sujet écrivant imprime sa marque à ce qu’il écrit et qui, quand on est deux, provoquent des désaccords. Or, – c’est notre expérience et cela peut rassurer – quand il y a contestation, c’est qu’il y a une question souvent intéressante à creuser.

Écrire à deux suppose du temps et de la connivence, c’est pourquoi dans la littérature les exemples d’ouvrages coécrits sont plutôt rares. Partager, c’est d’abord s’élire : c’est possible « parce que c’était lui, parce que c’était moi » !

Les petits séminaires : la dimension du compagnonnage

Tout autre est la forme du « Petit séminaire » que nous avons mis sur pied dans le cadre de la Revue Filigranes que nous animons depuis 25 ans ! Une fois par an, nous nous réunissons à dix, quinze, pendant un week-end au cours duquel chacun travaille sur ses propres projets. Les uns ont un mémoire à faire ; les autres rédigent un texte de slam ou un article ; d’autres encore veulent ranger leurs photos et écrire à partir de ce rangement. Tout est possible, mais l’exigence indiscutable, c’est de travailler en silence et de participer aux mises en commun deux fois par jour. Celles-ci consistent en une lecture, fragmentaire ou totale de ce qui a été produit. Une discussion minimale peut éventuellement s’engager. On n’attend pas a priori d’aide, chacun travaille de son côté. Que partage-t-on alors ? Ce sont certainement l’ambiance de travail, toute entière tournée vers la production, le compagnonnage, l’atmosphère de recherche qui font la qualité de ces moments. Nous savons tous d’expérience que porter un projet d’écriture n’est pas chose facile et que le sentiment de solitude est un frein puissant. Dans les échanges oraux, on vise donc la relance, on garantit un soutien, on est curieux de voir comment les projets évoluent au cours du week-end. Accepter que des projets d’écriture très divers puissent se mener dans un même lieu, que tout projet recèle un trésor à découvrir – et que chacun va s’y employer à sa manière – est une expérience rare par les temps qui courent.

 

Faire un livre à plusieurs : à la recherche d’une écriture intégratrice

En coordonnant, avec Etiennette Vellas[2], un livre sur l’Éducation nouvelle[3], paru en juillet 2009, nous avons tenté le partage d’écriture dans un autre dispositif encore, fondé sur la collecte de textes produits à partir d’un même canevas, une série de cinq questions posées à 45 contributeurs. Les entretiens réalisés séparément, si possible entre contributeurs, chacun étant tour à tour intervieweur et interviewé, étaient ensuite retranscrits par leurs auteurs, réunis, rangés et augmentés de pages d’analyse portant sur les enjeux de ce travail de mise en patrimoine. S’est développée ainsi une image, toute en contrastes, des mille et une manières de s’engager dans l’Éducation nouvelle : selon les pays, les parcours biographiques, les lectures, les métiers, les rencontres. Une écriture collective est née : non pas au sens où tous auraient écrits de la même manière, mais à partir du constat que les textes sont en écho, et chaque texte puise son sens au sein du réseau qui l’accueille.

Chaque auteur a fait des choix dans la manière de comprendre les questions, de s’en emparer ou non, d’y répondre longuement, brièvement, avec ses mots, son rythme, ses normes d’écriture. Chacun a apporté sa pierre à un édifice commun et porte une facette de la totalité, sans forcément connaître les autres contributeurs. Les coordonnateurs eux-mêmes, qui ont pourtant organisé le plan, sollicité les textes d’analyses, proposé des relances à certains auteurs, ont aussi assuré leur part. Héritiers de pratiques culturelles des années 80 et des tentatives d’écriture à plusieurs, dans la fascination des TIC naissantes, nous poursuivons cette voie que ces technologies ont largement ouverte et rendent plus accessible.

 

Produire collectivement une revue : un partage de longue haleine

Le dernier exemple, celui qui nous tient particulièrement à cœur, c’est celui de la revue Filigranes[4], bien connue des aficionado des RPé (Rencontres Pédagogiques d’été, organisées par CGé.)

Ici, le défi est de vouloir assumer collectivement toute la chaîne de l’écriture et de l’édition : cela va du choix des problématiques pour les numéros à venir, à leur explicitation auprès des abonnés et des lecteurs du site. Cela implique l’organisation de « séminaires », ouverts à tous, mais aussi des temps de travail ultérieurs, solitaires, chez soi. Cela nécessite des réunions du collectif élargi (avec moments d’écriture, lectures, discussions), chacun se retrouvant face à ses mots, ses références, son expérience, ses projets. Puis, quelques mois plus tard, les textes proposés à la publication sont lus et choisis par un collectif de lecture. Celui-ci évalue au mieux comment utiliser la place disponible (56 pages maxi), et faire valoir une variété d’approches, de styles, d’entrées dans le thème commun. Ensuite, il y a des temps collectifs consacrés à la correction orthographique, au montage, au maquettage, sans parler des contacts avec l’imprimeur, ou de la future campagne d’abonnement sans laquelle le projet s’arrêterait.

On voit que le partage prend ici une autre dimension. Il inclut toutes les phases d’un processus à la fois imaginaire, mental, technique, économique.

 

Ce qui nous motive ? L’envie que la solidarité s’éprouve sur le terrain de la création aussi …

C’est au contact des autres que je m’augmente, que je découvre de nouvelles manières de penser, d’agir, de communiquer, de créer. C’est là affaire d’émancipation individuelle et collective, deux dimensions imbriquées. Chacun découvre pour soi que l’écriture, jusque-là confisquée, le touche aussi et qu’il y a droit. Chacun comprend que les inégalités d’accès à l’écriture sont des constructions sociales très anciennes et toujours actuelles. Au sein d’un collectif, chacun est mieux armé pour franchir les obstacles qu’il avait souvent dressés lui-même ou que la société avait dressés pour lui. De nouveaux horizons de création s’ouvrent, et… c’est même contagieux !

 

 

Carnoux-en-Provence, le 2/12/2009

 

 

[1]Pour en savoir plus, lire : « Animer un atelier d’écriture – Faire de l’écriture un bien partagé », Odette et Michel Neumayer, Éditions ESF 2003, et 2008.

[2] Membre du Groupe Romand d’Éducation nouvelle (GREN) (www.gren-ch.org)

[3] « Relever les défis de l’Éducation nouvelle – 45 parcours d’avenir » Chronique sociale, 2009. Plus d’information sur ce livre, auquel ont participé plusieurs contributeurs du Groupe Belge d’Éducation nouvelle (GBEN), sur www.gfenprovence.fr, rubrique « Bibliothèque).

[4] « Filigranes, revue d’écritures, entend promouvoir les « hommes du commun à l’ouvrage » (Jean Dubuffet) et soutenir l’accès de tous au pouvoir d’écrire. Aventure collective engagée en 1984 et poursuivie depuis, la revue a pour objet d’ouvrir un espace de coopération où l’écriture puisse se mettre en travail et où lecture et publication deviennent démarche partagée (…) » annonce la 4ème de couverture. Pour en savoir plus sur la fabrication d’un numéro de la revue on peut consulter la page : www.ecriture-partagee.com/Fili/00_Cursives/curs_64.htm