Voici la démarche de Michel Huber (GFEN)
Que s’est-il passé le 6 février 34 à Paris ?(Michel Huber-original)
Voici notre adaptation quelques années plus tard
(Odette et Michel Neumayer)
Ayant vécu plusieurs fois cette démarche, nous avons choisi de la faire évoluer en mettant l’accent sur l’écriture dans les démarches de construction de savoir(s) : non plus l’écriture des autres (le document historique, objet d’études), mais la notre ,c’est à- dire celle de sujets apprenants, engagés dans le collectif de la démarche, qui écrit et ré-écrit son histoire, travers l’histoire de sa famille en particulier, et se donne ainsi les moyens d’entrer dans l’Histoire.
Les différents types d’écriture:
– les dépositions devant la commission d’enquête ; les greffes;
– les articles de journaux du lendemain;
– les listes de questions;
– le texte personnel final.
Autant d’écritures, autant de lectures, autant de chemins ouverts sur d’autres lectures encore.
Nos pistes d’exploitation de la démarche :
- Les ré-actualisations de savoirs anciens et la construction/re-construction de savoirs nouveaux
- La démarche : gestion des groupes pour une mise en scène de la parole, dans la perspective de l’analyse des discours.
- L’exploration d’une problématique conceptuelle : celle de l’objectivité.
- Démarrer des projets pour d’autres constructions de savoirs : comment ?
- La place de l’écriture, et ses différentes formes, dans une démarche de construction de savoirs : savoirs sur l’histoire / savoirs sur l’écriture? Quel statut du document historique ?
Voici le dispositif que nous avons arrêté :
- On se constitue en quatre groupes. Chaque groupe reçoit un document (voir plus haut) et prépare par écrit le texte de la déposition que le représentant du groupe fera devant la « commission d’enquête parlementaire » (40 minutes).
- Avant de passer à la phase 2, chaque groupe désigne en son sein:
– 1 témoin de l’événement qui présente la déposition
– un député, membre de la commission d’enquête;
– un ou deux journalistes, chargés de « couvrir » la première séance de la commission d’enquête;
– la foule, qui sera admise dans la salle d’audience (en fait tous les autres membres du groupe).
- Réunion de la commission d’enquête.
On demande à un volontaire de jouer le rôle de président, et à un autre celui de greffier du Parlement. La réunion dure 30 minutes.
- A la sortie, on se divise en trois groupes :
a) la commission parlementaire, qui met au point son verdict puis dresse la liste (par écrit) des questions qu’elle se pose par rapport à l’événement ;
b) les journalistes des quatre tendances, qui rédigent leurs articles;
c) la «foule ,» qui dresse de son côté sa propre liste de questions au sujet de l’événement et du contexte historique. Cette troisième phase dure 20 minutes.
- Affichage et lecture des compte rendus des différents journaux rapportant la séquence 2. Puis, lecture des conclusions de la commission d’enquête.
- «Que faisait (ou aurait fait) mon père, ma mère, mon grand-père, ma grand-mère, le 6 février 1934? Imaginez ou racontez. » Lecture des textes individuels.
- On prend connaissance de documents historiens : des extraits de manuels d’histoire, d’articles de presse, etc.
Quelques textes issus d’une animation
*Qu’aurait fait mon grand-père?
«Militant très catholique des Croix de Feu, iI se serait rendu à l’appel du lieutenant-colonel de la Roque pour protester contre la pourriture du régime et l’infamie de ses parlementaires, et pour faire entendre sa volonté de sauver l’honneur de sa mère patrie. De là à penser, qu’il aurait suivi l’assaut de la Chambre. II n’y a
qu’un pas. Toutefois, je doute qu’il fait fait partie des meneurs de l’extrême-droite et qu’il se soit rendu à la manifestation, armé, dans l’intention bien arrêtée de renverser la République. Père d’une nombreuse famille, sa femme se mourant de tuberculose, je pense qu’il aurait hésité à lancer son sort, et celui de son
pays, dans l’aventure que représentait les mouvements d’extrême-
droite et l’Action Francaise. Peut-être, cependant, était-il tenté par l’exemple apparemment triomphant de l’Allemagne hitlérienne, régime où l’ordre se rétablis-
sait sous la poigne efficace du Führer.
Le 6 février 1934
~Ils étaient jeunes mariés, pour eux la vie était belle, malgré les menaces du fascisme. Mon père aurait critiqué la presse et la T.S.F. avec ses collègues (professeurs à Marseille),ils auraient beaucoup parlé entre amis, en famille, des idées de justice et de paix et de pour qui li faut voter. Ma mère aurait prié pour qu’il y ait plus d’amour entre les hommes, surtout ceux du gouvernement (une telle responsabilité). Seraient-ils descendus dans la rue? Je ne crois pas, mais je n’en sais rien du tout. Mon père aurait-il pris des pierres pour les lancer contre le service d’ordre? Non, son arme était sa parole, avec les gens qui travaillaient autour de lui. Ma mère serait-elle allée dans la foule? Non : elle avait appris à ne jamais se mêler de « politique »,ne jamais dire sa pensée, à croire qu’au « gouvernement » où il y a de s gens sérieux et instruits, surement honnêtes, et plus compétents qu’elle, et d’ailleurs elle allait bientôt avoir des enfants, alors son devoir était tout tracé, et puis c’est aux hommes d’agir. Les ouvriers, bien sûr, il fallait les aider, empêcher leur misère, aider leurs enfants à s’instruire…, mais tout le monde n’est pas apte à le faire. C’est une vocation!»
* Mon père aurait fait partie de la manifestation communiste, soucieux qu’il était à la fois de mettre en place un gouvernement populaire et inquiet de lamontée dupouvoir fasciste e nAllemagne; il luiétait évident qu’il fallait tout faire pour barrer la route aux
fascistes. « Chez moi, le souvenir du 6 février 1934 se définit de cette façon : * ona barré la route aux fascistes ,» et vient immanquablement le rappel de la manifestation du 9février. I a fait brûler l’éphigie du colonel Rocque. »
«Mon grand-père, depuis sa petite boutique de charron, se serait informé, sansdoute. Maisattention: pas de politique! » Tout ça, c’est louche, j’ai l’impression que cette bande de fascistes est en train de préparer un sale coup. De toute façon, qu’est-ce qu’on peut faire? » -Laisse tomber » aurait dit ma grand-mère. »
«Mon père, le 6 février 1934, aurait été ouvrier quidam sur le boulevard Sébastopol et lorsqu’il aurait aperçu le drapeau rouge de al manifestation communiste, li se serait mis à pleurer d’émotion et li aurait suivi cette manifestation, il aurait pris les gens à témoin autour de lui, leur disant : « Hein mais ce sont eux, qui nous défendent, les communistes, aidons-les! » Il aurait dit aussi : «Les Croix de Feu sont avec les patrons. » Dans les campagnes, lorsqu’ils font leurs meetings fascistes avec de la Rocque, les patrons de l’agriculture, ils…